La colonne vertébrale de cette équipe concerne les approches multi-échelles du comportement mécanique et des phénomènes d’endommagement dans les matériaux. Les membres de l’équipe ont développé des compétences reconnues dans le domaine de la caractérisation et de la modélisation du comportement, de l’endommagement des matériaux, en lien avec la microstructure, qu’il s’agisse d’alliages métalliques, de polymères ou de composites. Les travaux s’appuient sur des procédures expérimentales maîtrisées, dotées d’instrumentations aux échelles pertinentes, une diversité des trajets de chargements générées (monotones ou cycliques) allant de l’uniaxial au multiaxial.

Du point de vue de la modélisation, nous utilisons deux types d’approches : des approches dites macroscopiques mais enrichies par la connaissance des propriétés aux échelles inférieures, et des approches multi-échelles (approche micromécanique) passant par la notion Volume Elémentaire Représentatif (VER) et des procédures d’homogénéisation, soit analytique, soit numérique pour traiter les grands VER.

Ce dialogue expérimentation-modélisation nécessite des observations aux échelles pertinentes, utilisant des moyens internes (tomographie RX) ou externes (MEB, AFM, MET, EBSD) au laboratoire via des collaborations locales, nationales et internationales permettant de faire le lien entre les propriétés mécaniques et la microstructure.

Au travers de nos travaux, et au-delà de la diversité des matériaux étudiés, nous nous sommes focalisés sur les problématiques liées :

 

Traitement des problèmes en transformations finies (thermoplastiques, élastomères, biomatériaux)

Cette problématique a été initiée dans les années 2000. Elle a fait et fait encore l’objet d’une collaboration fructueuse avec l’Unité Matériaux et Transformations (UMET). Le comportement mécanique des systèmes polymères présente de nombreuses complexités : non-linéarités matérielles (hyperélasticité, plasticité), dépendance du temps (viscoélasticité et viscoplasticité) et grandes déformations. Nous avons développé des modèles de comportement prenant en compte ces aspects en nous appuyant sur les caractéristiques microstructurales, en particulier les informations sur le réseau moléculaire et sur le taux de cristallinité pour construire des modèles de comportement dits enrichis. Nous avons développé ces modèles aussi bien dans le cas de polymères amorphes que semi-cristallins, avec un focus particulier sur les élastomères. Les influences des vitesses de déformation et/ou de la température sont prises en compte. L’expertise acquise dans le comportement des systèmes polymères a été mise à profit dans la modélisation de matériaux issus du vivant dans le cadre de collaborations avec le CHR de Lille et se poursuivront avec une thèse dont le démarré en octobre 2017.

Triptyque de l’étude de l’unité fonctionnelle C5-C6, de la caractérisation expérimentale à la simulation éléments finis avec modèle constitutif chemo-visco-élastique

Figure 1 : Triptyque de l’étude de l’unité fonctionnelle C5-C6, de la caractérisation expérimentale à la simulation éléments finis avec modèle constitutif chemo-visco-élastique.

 

Modélisation des matériaux hétérogènes (nanocomposites, (bio)composites, textiles techniques…)

Lorsque les matériaux sont hétérogènes, la modélisation macroscopique s’avère limitée pour rendre compte des effets des constituants (teneur, forme des inclusions, longueur interne…). Pour palier à cela, deux voies micromécaniques peuvent être alors suivies : les approches par homogénéisation analytique et/ou numérique.

En ce qui concerne les approches micromécaniques analytiques, nous avons développé des modélisations propres aux nanocomposites intégrant leur spécificité structurale hiérarchique dans le cas du renforcement par montmorillonite et les mécanismes d’endommagement. L’approche par dynamique moléculaire permet l’approfondissement de la compréhension des interactions dans ces systèmes et pourrait être utilisée à terme, comme une alternative à l’identification inverse, pour quantifier les modifications de la matrice polymère.

L’homogénéisation numérique nécessite des moyens de calcul importants. Elle représente une alternative sérieuse pour l'homogénéisation des matériaux à morphologie relativement complexe. Son point fort réside dans le fait qu'elle tienne compte directement de la morphologie réelle de la microstructure hétérogène. C’est une approche que l’on peut utiliser seule ou de manière complémentaire. Cette voie est intéressante pour dépasser les défauts de représentativité des VER analytiques et de leurs limites en termes de chargement ou de conditions aux limites. Il s’agit d’approches où l’on peut étudier la microstructure réelle pour prendre en compte les distributions spatiales, en taille et en forme des inclusions ou vides (dans le cas des matériaux poreux). Ces VER réels sont obtenus soit par traitement d’images tomographiques ou par empilages d’images à plusieurs coupes successives. De nombreuses études ont été menées dans ce cadre, en particulier sur les milieux poreux mais aussi sur des biocomposites à renforts d'origine végétale.

 microstructure réelle, analyse d’mages, maillage.

Figure 2 : Construction de VER 3D à partir de coupes : microstructure réelle, analyse d’mages, maillage.

 

Traitement des couplages (procédés-propriétés, hyperélasticité-viscoélasticité- viscoplasticité-endommagement, fatigue-endommagement, thermo-mécanique, chemo-mécanique…)

La construction de modèles prédictifs soulève nécessairement la question de la prise en compte des couplages dans les modèles descriptifs du comportement mécanique. Par exemple, l’influence des procédés d’élaboration sur la microstructure et, par conséquent, sur les propriétés mécaniques est un fait avéré. Il en est de même lorsque l’on veut prendre en compte les phénomènes d’endommagement liés au vieillissement ou à la déformation. Nous avons également mené de nombreux travaux dans ce domaine. En particulier, sur la fatigue des élastomères, nous avons développé un modèle robuste basé sur l’endommagement continu et qui permet d’estimer la durée de vie de ces matériaux en fatigue multiaxiale. La prise en compte de leur auto-échauffement en fatigue a également fait l’objet de travaux qui se poursuivent.        

Par ailleurs, les procédés d’élaboration des matériaux jouent un rôle majeur sur leur microstructure constitutive et, en conséquence, sur leurs caractéristiques mécaniques et thermiques.

L’homogénéisation numérique constitue une approche robuste qui permet de concevoir, dans le cas des matériaux hétérogènes, des microstructures maîtrisées. On peut dés lors, à partir des propriétés mécaniques et/ou thermiques optimisées sur ce matériau numérique, développer ou modifier les procédés d’élaboration afin de faire converger le matériau réel vers le matériau numérique idéalisé. Cette démarche innovante nécessite la mise en place d’une boucle d’optimisation dans le processus de génération du matériau numérique. C’est une démarche associant à la fois des approches expérimentales (observation MEB ou tomographie RX, analyse d’images) et numériques (outils de maillage automatique). Sur ce dernier point, le maillage des microstructures complexes s’appuie sur une technique originale de triangulation surfacique automatique d'une image 3D. Cette méthode est basée sur les concepts de la Morphologie Mathématique et a fait l’objet de travaux en collaboration avec le Centre des Matériaux des Mines Paris-Tech.

 

Boucle d’optimisation dans le processus de génération du matériau numérique

Figure 3 : Boucle d’optimisation dans le processus de génération du matériau numérique.

 

Trajets de chargements simples et complexes (monotone versus fatigue, uniaxial versus multiaxial, quasi statique versus impact)

Enfin, les trajets de chargements sont également une préoccupation constante dans nos travaux. Si les modèles sont construits sur la base de trajets uniaxiaux, il est nécessaire, pour juger de leur robustesse, de les valider sur des trajets plus complexes. En particulier en fatigue, même des sollicitations uniaxiales macroscopiquement, peuvent être multiaxiales localement (structures présentant des gradients, jonctions,…). De même, dans certains cas, les structures sont soumises à des chargements par impact, et les modèles quasi statiques ne sont pas en mesure de prendre en compte les effets dits dynamiques. Nous avons développé une grande expérience dans le traitement de ces problèmes que ce soit sur la fatigue ou l’impact.

Sur la fatigue, dans le cas des élastomères, nous avons développé une modélisation originale basée sur l’endommagement continu qui permet de prédire de manière très satisfaisante la durée de vie sous chargement multiaxial en fatigue à amplitude constante et à plusieurs niveaux .

Sur  la problématique de l’impact, des études ont été menées sur des matériaux tissés 2D et 3D en collaboration, pour les aspects expérimentaux, avec l’école royale militaire (ERM, Bruxelles, Belgique), l’Institut Saint Louis (ISL) et l’ENSAIT de Roubaix, en utilisant des dispositifs expérimentaux instrumentés (caméra ultrarapide et techniques radars).

Notre équipe a développé une approche numérique basée sur une analyse multi-échelle : macroscopique à l’échelle du tissu, mésoscopique à l’échelle du fil et microscopique à l’échelle de la fibre. Cette dernière permet d’apporter des réponses pertinentes quant aux mécanismes d’endommagement des tissus à l’échelle macroscopique. Cette démarche impliquant un dialogue expérience-modélisation constitue une voie pertinente de recherche dans ce domaine.