Deux thématiques principales sont développées au sein de cette équipe
La compréhension des phénomènes liés aux instabilités et à la turbulence des fluides non-Newtoniens a récemment suscité un intérêt croissant dans la communauté scientifique et ce, principalement en raison des nombreux champs d’application tels que la bio-rhéologie, la géophysique, l’industrie chimique, l'extraction du pétrole, etc.
Par exemple, les études sur la compréhension du phénomène de réduction de la traînée dans un écoulement turbulent de fluides viscoélastiques constituent une piste de recherche pertinente et prometteuse. Sur la base des résultats obtenus, notre objectif futur est d'affiner notre compréhension sur le comportement de la turbulence Newtonienne et viscoélastique, les échanges d’énergie entre les échelles caractéristiques et de capturer les structures cohérentes proches des parois. Nous travaillons sur la simulation numérique directe (Direct Numerical Simulation, DNS) des écoulements viscoélastiques turbulents, comme illustré par la figure 1. Ce défi représente un effort important pour obtenir des résultats originaux jamais atteints par la simulation numérique de ce niveau sur le plan international. Un code de calcul est maintenant porté sur la nouvelle machine de l’IDRIS CNRS (IBM Blue Gene/Q). Ce code de calcul a été développé pour la simulation numérique des écoulements turbulents viscoélastiques, utilisant une méthode d'ordre élevé (Fourier et différences finies d'ordre 6), pour des machines d'architecture parallèle. Une base de données a été construite pour un écoulement dans un canal plan à grand nombre de Reynolds. Ces résultats ont été obtenus à l'aide du centre de calcul IDRIS, sur la machine parallèle Blue-Gene/P - Babel (utilisant 16384 cores). Dans ce cadre, plusieurs publications scientifiques dans de journaux de très haut niveau en mécanique ont été réalisées. Le Prix de thèse du Groupe Français de Rhéologie attribué en 2016 à Mr. A. PEREIRA est en lien avec ces travaux.
La modélisation de la turbulence reste un sujet d’actualité pour les fluides Newtoniens et viscoélastiques. Des efforts seront réalisés dans la construction de nouveaux modèles de turbulence de second ordre basés sur l’approche Reynolds Averaged Navier-Stokes (RANS) et Large Eddy Simulation (LES) en utilisant les bases de données de la Direct Numerical Simulation (DNS). Dans ce même domaine de recherche, pour la compréhension des phénomènes viscoélastiques, des études sur le comportement de la turbulence élastique à bas nombre de Reynolds (et haut nombre de Weissenberg) sont aussi réalisées. Les applications sont nombreuses et concernent principalement le phénomène de mélange de fluides complexes.
Concernant les instabilités thermo-convectives de fluides viscoélastiques, nos études s'appuient sur la théorie des systèmes dynamiques et la simulation numérique pour identifier le comportement non linéaire des structures convectives d’une part, et pour déterminer le transfert de chaleur et de masse qui leur est associé, d’autre part. Dans ce contexte, ont été analysés les effets de la dissipation visqueuse, le caractère convectif ou absolu de ces instabilités en présence d'écoulements cisaillés ainsi que les différentes bifurcations dues au caractère viscoélastique du fluide. Ces bifurcations se produisent dans le système lorsque le gradient de température imposé est graduellement augmenté. Par ailleurs, la prise en compte des propriétés de mélanges binaires des fluides viscoélastiques permet à la fois d’expliquer des observations expérimentales relatives à la convection des fluides viscoélastiques de chaînes d’ADN mais aussi de proposer un protocole de séparation des constituants du mélange binaire viscoélastique d’autre part. Ces activités, menées dans le cadre de collaborations nationales et internationales, seront également poursuivies et renforcées.
Plusieurs études menées au sein de notre équipe ont récemment abordé des problèmes liés à la dynamique des fluides géophysiques. Le trait commun de ces études est une approche théorique et numérique en termes de processus dynamiques à petite échelle, qui vise à améliorer la compréhension des phénomènes physiques de base et, en particulier, à éclairer le rôle du transport fluide. Par conséquent, il est possible d’obtenir des indications utiles pour améliorer les modèles réalistes à plus grande échelle, tels les modèles de circulation générale (de l'océan ou de l'atmosphère), dans lesquels des paramétrages, parfois assez approximatifs, sont utilisées.
Un premier point abordé concerne les phénomènes de dispersion et de mélange dans l'océan. En particulier, nous nous focalisons sur l'application de techniques lagrangiennes pour la caractérisation de la dispersion turbulente à différentes échelles. La relation entre les analyses lagrangiennes et les propriétés eulériennes de différents types d'écoulements turbulents a ainsi récemment été explorée, et a permis d'identifier plusieurs régimes de dispersion. Une approche lagrangienne a aussi été utilisée pour développer une technique originale de reconstruction des champs de vitesse et de traceurs à la surface de l'océan, qui est prometteuse dans le cadre de l'exploitation et/ou l'amélioration des données satellites actuellement disponibles et futures (figure 2). Cette méthode a été validée dans une configuration idéalisée; son application sur des données provenant de simulations réalistes à haute résolution des courants océaniques de surface est actuellement en cours dans le cadre d'un projet CNES TOSCA.
Figure 2 : Reconstruction d'un champ de vorticité turbulent à la surface de l’océan, obtenu par simulation numérique, au moyen d’une technique lagrangienne.
Toujours en relation avec les problèmes de dispersion, afin de pouvoir décrire la dynamique fine de la turbulence dans la couche limite atmosphérique en présence d'une topographie complexe, des études centrées sur le développement d'un code basé sur la méthode de Boltzmann sur réseau ont été menées. Ces études étaient inscrites dans un projet INNOCOLD ayant pour objectif ultime d’améliorer la prédiction de la dispersion de polluants d'origine industrielle.
Les effets de dispersion en termes d'organisation spatiale de populations biologiques (plancton) dans des milieux fluides, sont également une problématique que nous abordons en collaboration avec le Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences (LOG CNRS) et à l'aide de modèles simples d'écoulements réactifs ou de suspensions de particules actives (c'est-à-dire possédant leurs propres mécanismes de locomotion). Les approches numériques adoptées s’appuient sur à la fois sur une méthode pseudo-lagrangienne pour les écoulements réactifs, sur des méthodes stochastiques pour leur description (lagrangienne) en termes de particules réactives, et sur des méthodes d'advection lagrangienne couplées avec des simulations directes (méthode pseudospectrale) de la turbulence pour les suspensions de particules actives. Ces études ont récemment permis de mettre en évidence le rôle subtil de l'advection et de la nature discrète de la population dans les phénomènes d'extinction, ainsi que d'identifier des stratégies de nage optimales de micro-organismes dans des environnements turbulents. En outre, une étude lagrangienne des particules inertes (bulles, poussières) a permis de mettre en évidence les propriétés statistiques de l'accélération perçue et du taux de rotation (tumbling rate) dans les écoulements turbulents. Il s'agit de résultats d’un grand intérêt pour la modélisation physique des micro-organismes aquatiques.
Il est à noter que les domaines d'application de ces études sont très vastes et encore relativement peu explorés. Dans une perspective plus large, nous cherchons à améliorer la compréhension des couplages entre les processus physiques et biologiques dans la dynamique de l'océan.
Figure 3 : Distribution spatiale instantanée de zooplancton numérique, copépodes, en fonction de leurs niveaux de réactivité au niveau de turbulence (augmentation de la réactivité de droite à gauche).
Dans le cadre du projet ANR SEAS, ANR-13-JS09-0010 (2014-2018) nous nous intéressons à la convection thermique dans les mares de fonte dans l'océan Arctique. Cette recherche s'appuie sur l'analyse de stabilité et sur des simulations directes (méthode de Boltzmann sur réseau). L'intérêt majeur est la quantification des transferts de la chaleur dans ce système convectif, en présence de changement de phase au fond de la mare (constitué par une couche de glace dans la réalité). Ces études visent à améliorer la compréhension de l'effet de la convection et du transfert de la chaleur opéré par l’écoulement fluide turbulent sur la fonte des parois glacées et sur la morphologie des mares de fontes. Les processus de ce type ont une influence importante sur l'albédo (la réflexion du rayonnement solaire) par la glace marine et, par conséquent, sur le bilan radiatif de la Terre. Il est important de remarquer que la quantification de ces effets est aujourd'hui considérée d'importance primaire pour estimer les effets du réchauffement climatique.
Figure 4 : Simulation numerique d'un système convectif avec fusion de la paroi supérieure solide, nombre de Rayleigh 105.